Par Jean-Luc Padellec

Le 27 avril 2024

 

Ils viennent de Guinée, de Côte-d’Ivoire, d’Albanie, ou encore du Pakistan… et ont été contraints à l’exil par le chaos du monde. À l’issue d’odyssées souvent indicibles, sans famille, sans ressources, sans autre solution que de dormir dans la rue, les jeunes mineurs étrangers arrivent en France avec pour seuls bagages des tourments très lourds à porter.

 

Puis, quand, enfin, ils sont identifiés et pris en charge par les services sociaux, il leur faut alors affronter l’épreuve du soupçon en lien avec l’évaluation de leur minorité. « Être capable de dire qui on est et les émotions que l’on ressent n’est pas évident pour certains de ces jeunes. D’abord, il y a la barrière de la langue, et souvent un parcours traumatique », rappelle Sadil Chouikha, psychologue clinicienne du service OMNiA, affilié à l’association Ailes

Dire une part de soi-même par l’expression artistique

 

À Brest, OMNiA est mandaté par le conseil départemental pour accompagner 100 mineurs non accompagnés (MNA) ou jeunes majeurs dans différents aspects de leur vie quotidienne : l’hébergement, la scolarité, la régularisation de leur situation administrative et la veille sur leur santé physique et psychique. Si les travailleurs sociaux savent y faire, « faire confiance aux adultes, ça prend du temps ».

 

 

Photo pour les uns, danse pour les autres : l’art reste un moyen d’exploration de soi-même pour débloquer des traumatismes encore vivaces et gagner en estime de soi. 

(Photo Le Télégramme/Jean-Luc Padellec)

Le projet « L’art de se raconter » est né d’une idée, celle de donner la possibilité aux jeunes de « dire une part d’eux-mêmes, sans passer par la parole », en utilisant la médiation artistique. Pour mener à bien cette ambition, OMNia a répondu à un appel à projets, « Santé-vous bien », financé par les services de promotion de la santé de la ville de Brest. Ainsi, treize jeunes ont pu se répartir dans deux ateliers, animés par le photographe Nicolas Hergoualc’h et la danseuse chorégraphe Nolwenn Dubreuil.

 

Une confiance retrouvée

 

L’aboutissement de ce travail, c’était ce samedi 27 avril 2024 après-midi à La Pam, où les apprentis danseurs exilés ont donné une représentation publique pleine de poésie avec des jeunes de l’école de danse de l’association « Les pieds nus ». Quant aux photographes, ils ont pu exposer leur travail collectif réalisé avec un appareil photo jetable chargé d’un film en noir et blanc. Une vraie fierté pour Souleymane, arrivé à Brest il y a deux ans, et qui s’est investi à fond dans cette aventure photographique.

« C’était une expérience nouvelle pour moi, et je remercie toute l’équipe d’OMNia et le photographe qui ont cru en moi et m’ont redonné confiance. On a travaillé tous ensemble pour sélectionner les photos. En plus, cela m’a permis de développer des compétences techniques que je n’avais pas, et qui pourront m’être utiles ensuite », sourit le jeune homme. Outre cette exposition d’un jour, un livret photo a été édité, et sera distribué gratuitement. Un moment très valorisant pour ces jeunes qui ont pu se prouver à eux-mêmes qu’ils sont capables de repousser leurs limites, en empruntant des chemins jusqu’alors inconnus.